En2011, trente ans après sa disparition, Georges Brassens fait l'objet d'une rétrospective à la Cité de la Musique à Paris. La même année paraît l'intégrale de 330 titres Le Temps Ne Fait Rien à L'Affaire, rassemblant ses 14 albums studio et moult inédits. Georges Charles Brassens est né à Sète, le 21 octobre 1921.
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Sixdécennies ont passé, mais Mario Poletti n’est pas près d’oublier le jour, au début des années 1950, où René Fallet l’a entraîné à l’improviste chez Georges Brassens – ou
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Vingt-cinq ans. Vingt-cinq ans déjà que Georges Brassens, en éternel estivant, passe sa mort en vacances » 1. Si, depuis le 29 octobre 1981, il n'écrit plus, et pour cause, l'œuvre ciselée qu'il a laissée en héritage n'a pas cessé de courir les rues. Ses chansons continuent d'être fredonnées, ses textes déchiffrés par les enfants des écoles et ses mélodies grattées » sur des guitares en tout genre. Les interprètes eux-mêmes se bousculent aux pieds de ses rimes. Par passion pour l'homme et en hommage pour l'œuvre d'un poète. Une longue liste de noms plus ou moins célèbres de la chanson Valérie Ambroise, Renée Claude, Éric Zimmermann, Maxime Le Forestier, Alain Souchon, Renaud... et bien d'autres reprises de ses chansons-poèmes se sont succédé. Il faut d'ailleurs écouter au plus vite Putain de toi d'Olivia Ruiz, Stances à un cambrioleur de Pauline Croze, ainsi que la version live de Fernande interprétée par Carla Bruni 2. Une succession qui ne serait pas pour déplaire à l'homme à la moustache. D'autant qu'en son for intérieur, l'artiste a toujours préféré l'écriture à la scène. Une préférence pour la composition qui devra se plier aux obligations dues au public, à Bobino mélodies et les textes de Georges Brassens ne hantent pas seulement les hautes sphères de la chanson française. Ou considérées comme telles. Bien des interprètes, souvent auteurs et compositeurs eux-mêmes, mettent ou ont mis à leur répertoire les fables musicales du créateur de L'Auvergnat. Une aubaine pour tenter de comprendre ce qui pousse encore les saltimbanques de la chanson à entonner Les Trompettes de la renommée et à jouer les premiers accords des Amours d' Guilbert, à l'origine d'Archibald Trio, est l'initiateur d'un voyage dans l'univers de Georges Brassens. Un spectacle où partie musicale et diaporama s'épousent afin de montrer la cohérence profonde entre le discours et la vie chez son auteur de prédilection. Guitare, contrebasse et accordéon - tenu par les bras féminins de Guylaine Léori, sacrée championne du monde de l'instrument en 1989 - se font humbles serviteurs des mots, de cette richesse de vocabulaire » qui imprègne toute l'œuvre du chanteur sétois. Pour Jacky Guilbert, c'est sûr, l'origine de la mélodie chez Georges Brassens est à rechercher dans la texture des mots qualité de l'écriture soulignée par cet autre aficionado » de l'homme à la pipe qu'est Jean-Pierre Gabilan. Il existe bien sûr de très grandes chansons que d'autres ont écrites et chantées, explique-t-il. Mais chez Brassens, c'est de régularité dans la qualité qu'il s'agit. » Propos qui rejoignent ceux de Maxime Le Forestier dans le magazine Chorus, lorsque celui-ci affirme que le bon maître est l'un des rares à s'adresser à notre intelligence ».Une analyse soutenue par Jean Bonnefon. Le chanteur, passé par le rock dans les années 1960 avant de rejoindre le monde de la mélodie française et de participer à la nouvelle chanson occitane », chemine avec l'auteur de La Cane de Jeanne depuis quelques années... Début 2000, explique-t-il, je suis allé chanter avec mon ami Patrick Salinié trois chansons au milieu du tour de chant de Joël Favreau en Dordogne. Nous avons interprété Brassens à deux voix, de façon non traditionnelle. Succès. On nous a passé commande pour un tour de chant. Ça ne s'arrête pas depuis cinq ans. » Pourquoi Brassens ? Parce qu'il est, à mes yeux, le plus grand auteur-compositeur de chansons populaires en France, poursuit sur sa lancée Jean Bonnefon. Il a fait passer cet art mineur à un degré d'exigence et de qualité inégalés avant lui. » Bien sûr il y a les grands... Ferré, Brel, Nougaro, reconnaît le chanteur. Mais lui possède une dimension plus large son propos est universel. »La haute tenue poétique des chansons liée aux indéniables qualités de l'homme fait donc de Georges Brassens un auteur à part, un chanteur qui recueille un consensus rare ». Un tendre, caché derrière les mots rudes de certaines de ses poésies. Un moraliste, un fabuliste », pour Philippe Forcioli. Ses textes contiennent le plus grand respect pour chacun, le pauvre homme comme la pauvre fille. Pour moi, c'est un univers évangélique », avance même le poète. La source du succès toujours renouvelé des chansons du Sétois est donc à chercher dans la fraternité immanente de la plupart de ses textes. Le public répond e core et toujours présent. Il ne lasse pas et garde bon pied bon œil dans notre monde moderne, souligne Bernadette Delchambre. Il résiste aux modes éphémères. Le public est large, jeunes et moins jeunes, classes sociales diverses le composent. »Philippe Thomas, jeune auteur-compositeur de talent, a écrit un bel hommage à Brassens. Simplement intitulé Monsieur Georges, il contient ces mots Ta cible favorite était la société qui conduit l'homme éthique à devenir mauvais. Tu préférais châtier quelques institutions, plutôt que d'agresser l'homme, en toute affection. »
Ă€ la mĂ©moire de mon père Personne n’avait prĂ©vu ça. MĂŞme Jacques Canetti, son producteur, qui avait dĂ©jĂ pris l’habitude de faire sauter les bouchons de la gloire un peu partout dans les caves Ă chanson du St Germain de l’après-guerre… Et mĂŞme Patachou [1], qui le poussait, lui, Brassens, sur la scène de son cabaret… Personne n’avait prĂ©vu un tel succès ; un succès presque brutal, un succès sauvage, Ă l’image de ses espadrilles, de ses cheveux longs et indomptĂ©s ; Ă l’image de sa dĂ©coupe de boxeur, de sa tenue de scène, si on peut parler de tenue » ! En fait de jeu de scène, Brassens escaladait pĂ©niblement les planches, suait, toussait, lançait Ă la volĂ©e de petits regards furtifs, ne saluait jamais, bougonnait tout seul on ne savait quoi entre deux chansons… et ceci prĂ©cisĂ©ment dans les annĂ©es oĂą Ă©mergeaient quelques grandes figures du music-hall Juliette GrĂ©co, Barbara, Monique Leyrac, Les Frères Jacques, Yves Montand, Jacques Brel, parmi tant d’autres, et jusqu’à l’inusable Gilbert BĂ©caud qui enflammera la salle de l’Olympia de 1954 Ă 1997 ; toutes et tous passĂ©s maitres dans l’art de chauffer un public, de le saturer d’enthousiasme et de lui communiquer dĂ©tresse et joie, pour la féérie d’une soirĂ©e au théâtre. Heureusement, au moment oĂą il allait affronter cet insoupçonnable succès, Georges Brassens Ă©tait dĂ©jĂ un homme solide. On est solide, quand on a passĂ© le cap des trente ans au dĂ©but des annĂ©es cinquante dans la France populaire de ce temps-lĂ ; quand on est issu d’un milieu modeste le père, maçon Ă Cette aujourd’hui Sète, l’emmenait parfois sur ses chantiers et Brassens avouera s’être coltinĂ© des sacs de cinquante kilos sur plusieurs Ă©tages sans ascenseur. C’était moins fatigant que de chanter sur une scène, affirmera-t-il aussi, sans la moindre ironie, bien des annĂ©es plus tard. Il Ă©tait solide, Ă©galement, d’avoir dĂ» affronter le regard accusateur des bienpensants de sa ville, Ă la suite d’un vol de bijoux commis avant la guerre, puis d’avoir connu la misère, une fois montĂ© Ă Paris, ensuite le Service du travail obligatoire Ă Basdorf en Allemagne, enfin une vie plus que frugale dans l’impasse Florimont, oĂą l’on se lavait en toutes saisons dans une bassine d’eau froide… et tout cela sans aucun sens de sa propre bohème. Il souffrit certes de la faim, certains jours, et tous ceux qui l’ont connue le disent la faim est vorace, elle dĂ©vore toutes les journĂ©es, mais, Ă part cela, Brassens n’a jamais regrettĂ© cette pĂ©riode bien connue de sa vie — une sorte de pĂ©riode maudite que les rĂ©cits mĂ©diatiques se plairont Ă transmuter en lĂ©gende dorĂ©e. Pourtant, cette vie rugueuse convenait Ă ce gaillard, sans mĂŞme qu’il songeât Ă y voir une quelconque originalitĂ©. Georges Brassens avait mis sa dĂ©termination dans le fait de vivre Ă sa guise, tout simplement et il se moquait bien du fric et du confort [2]. Notons donc d’abord ceci que la vie du jeune Brassens, pour libre qu’elle fĂ»t, n’était pas, et ne serait jamais exempte de discipline. Il faut plus de courage qu’on ne l’imagine gĂ©nĂ©ralement pour vivre selon ce qu’on pense, selon ce qu’on veut, selon ce qu’on croit et pour se mettre Ă faire ce qu’on aime Ă la face du monde. Car le monde est peuplĂ© de rĂŞveurs et de jaloux qui n’ont pas jouĂ© du piano, pas Ă©crit de romans, pas chantĂ© de chansons, pas exercĂ© le sport qu’ils croyaient aimer. Le monde est peuplĂ© de gens qui se sont Ă©puisĂ©s Ă mille choses, mais qui n’ont cependant jamais travaillĂ©, mĂŞme s’ils passent cinquante heures par semaine Ă se dĂ©gonfler le cĹ“ur et l’esprit dans un bureau. Ă€ l’inverse, ceux qui travaillent, au sens oĂą on l’entend ici, se laissent modeler par ce qu’ils modèlent, se laissent buriner par ce qu’ils burinent. Ils sont conduits par leur dĂ©sir et ce dĂ©sir creuse en eux la source d’une soif plus grande encore. Cette libertĂ© exige une fameuse discipline parce que, justement, la discipline de ces travailleurs-lĂ est mise au service de leur plus grande libertĂ©. Qui douterait du cran des Oiseaux de passage, que la chanson confronte Ă la vie heureuse des bourgeois L’air qu’ils boivent ferait Ă©clater vos poumons, dit ce beau texte de Jean Richepin, que Brassens s’est pleinement appropriĂ© en en faisant une chanson. Ă€ la routine des ronds-de-cuir, Georges Brassens qui n’était pas pour autant dĂ©nuĂ© d’un certain gout pour la rĂ©gularitĂ© et les habitudes domestiques a assurĂ©ment prĂ©fĂ©rĂ© la libertĂ© des crĂ©ateurs. Son application Ă Ă©crire et Ă composer des chansons, l’a poussĂ© au meilleur de lui-mĂŞme, Ă l’aventure profonde de la crĂ©ation et Ă l’étourdissante familiaritĂ© avec les paradoxes, oĂą se reconnaissent, finalement, ces Ă©tranges aventuriers, ces oiseaux de haut vol que sont, parmi nous, les artistes. Je me propose donc d’examiner ce qui a dĂ©jĂ pu bâtir cet homme avant qu’il ne s’acquitte, sans se dĂ©truire, de la corvĂ©e de chanter ses chansons sur une scène, vers 1952. Soyons justes, Brassens ne l’a jamais cachĂ© il doit beaucoup, d’abord, Ă ses parents. Son enfance est enrobĂ©e d’affection. On n’est jamais peut-ĂŞtre mieux Ă©levĂ© que dans la pauvretĂ© je n’ai pas Ă©crit dans la misère !, quand la joie se trouve simplement, quand les exigences et les illusions sont naturellement rabotĂ©es par la mesure des moyens. On vit alors gaiment dans le rĂ©el qui, selon le mot de RenĂ© Char, est susceptible de dĂ©saltĂ©rer l’espĂ©rance. Aux antipodes de l’ingratitude, Brassens, qui mesura sans doute combien vivre une enfance heureuse Ă©tait un privilège, sut rendre hommage Ă ses père et mère. Le thème abonde dans son Ĺ“uvre ; qu’il nous suffise ici de citer deux chansons seulement. D’abord, l’histoire autobiographique qui inspira les Quatre bacheliers p. 212 [3]. Elle Ă©voque ce menu larcin, dont j’ai dĂ©jĂ un peu parlĂ©. Brassens et ses copains avaient volĂ© quelques bijoux, mais ils avaient aussi Ă©tĂ© rapidement dĂ©noncĂ©s, puis amenĂ©s au poste de police de Sète, d’oĂą on avait appelĂ© leurs familles. Une menace pèse sur le quatrième bachelier, dont le père, le plus fort, le plus grand, pourrait faire un malheur. Mais ce père, un sosie du papa de Georges, ne se sent pas reniĂ©. Il salue son petit » avec tendresse et lui passe mĂŞme sa blague Ă tabac. Plus discrètement, la chanson se termine par une Ă©vocation de la mère Et si les chrĂ©tiens du pays, Jugent que cet homme a failli, Ça laisse Ă penser que, pour eux, L’Évangile, c’est de l’hĂ©breu… Car si Louis Brassens vivait sans Dieu ni Maitre, sans Église et sans Patrie, Elvira Dragosa, en revanche, emmenait leur petit garçon Ă la messe et, mieux que cela, elle pratiquait l’évangile au quotidien, ce qui, d’ailleurs, peut s’accorder sans mal avec les valeurs dĂ©ployĂ©es par un homme Ă©pris de toutes les libertĂ©s, y compris celle d’accepter sereinement qu’on ne crĂ»t pas comme lui. Jamais Brassens ne compta sa mère au rang des hypocrites ou des grenouilles de bĂ©nitiers. Plus tard, il adoptera, en gros, les positions philosophiques de son père, mais il serait malhonnĂŞte de ne pas voir dans son Ĺ“uvre une importante prĂ©sence du catholicisme. MĂŞme et surtout quand il la traitait avec dĂ©rision TempĂŞte dans un bĂ©nitier, p. 279, il manifestait Ă l’égard de cette religion, Ă l’exclusion d’aucune autre, un intĂ©rĂŞt soutenu, en ne confondant jamais l’institution, qu’il bousculait, et l’acte de foi que, sans le partager, il respectait. Et il observait que certains prĂŞtres pouvaient penser et agir en hommes libres. Une chanson trop peu connue l’atteste Brassens pouvait avoir de l’admiration pour les curĂ©s », Ă condition, bien sĂ»r, que ceux-ci soient capables de poser des actes courageux et non conventionnels. La messe au pendu p. 277 met en scène la colère d’un ecclĂ©siastique opposĂ© farouchement Ă la peine de mort, pourtant pratiquĂ©e dans sa paroisse. Le chanteur, qui a commencĂ© par avouer que les hommes d’Église HĂ©las / Ne soient pas tous des dĂ©gueulasses conclut AnticlĂ©ricaux fanatiques, Gros mangeurs d’ecclĂ©siastiques, Quand vous vous goinfrerez un plat De cureton, je vous exhorte, Camarades, Ă faire en sorte Que ce ne soit pas celui-lĂ . Père et mère sont donc non seulement honorĂ©s dans l’œuvre de Brassens. Ils sont, de surcroit, revendiquĂ©s par l’artiste comme les inspirateurs de son Ă©thique. Brassens ne construisit pas sa libertĂ© contre son milieu, mais Ă partir de lui. C’est un homme de tradition, qui perpĂ©tue ce qu’il a reçu d’une famille, mais seulement parce que cela l’épanouit et parce que cela dilate sa propre libertĂ©. Comme un nombre important de ses chefs-d’œuvre demeure malheureusement ignorĂ©, j’attire encore l’attention sur une chanson posthume, créée sur disque vinyle par le regrettĂ© Jean Bertola, puis admirablement rendue par Maxime Le Forestier [4] L’orphelin p. 355 Un Brassens de cinquante ans commence par faire mine d’y envier les jeunes orphelins qui, dans leur malheur, trouvent tout de mĂŞme quelques compensations, alors que lui, le vieux quinqua, qui vient de perdre ses parents, n’intĂ©resse personne. Celui qui a fait cett’ chanson A voulu dire Ă sa façon Que la perte des vieux est par- Fois perte sèche, blague Ă part. Avec l’âge, c’est bien normal, Les plaies du cĹ“ur guĂ©rissent mal. Souventes fois mĂŞme, salut Elles ne se referment plus. C’est chantĂ© sur le rythme, Ă son tour ironique, d’une petite valse tristounette. Tout le Brassens de la maturitĂ© passe ici un chagrin est partagĂ© Ă la dernière seconde d’une petite chanson jusque-lĂ simplement drĂ´le ou lĂ©gère [5]. Mais le bagage familial n’explique pas tout dans la construction d’une libertĂ© bien charpentĂ©e, mĂŞme si c’est effectivement de sa famille que le chanteur reçut le tout premier terrain de son Ă©rudition la chanson française. Brassens savait par cĹ“ur des centaines de chansons, avant mĂŞme de se risquer Ă en composer une. De nombreux tĂ©moignages l’attestent il Ă©tait incollable sur Charles Trenet, Ray Ventura, Jacques Grello, Mireille et Jean Nohain, Tino Rossi, Henry Garat et tant d’autres. Un disque compact assez rĂ©cent un document d’ailleurs, plus qu’un vĂ©ritable travail de studio nous fait la surprise de l’entendre chanter la sĂ©millante Quand tu danses de DelanoĂ« et BĂ©caud et d’autres chansons modernes de son temps. Il aimait Claude François, figurez-vous, et, une fois devenu cĂ©lèbre, il ouvrit la porte du succès Ă des personnalitĂ©s aussi diffĂ©rentes que Paul Louka, Yves Simon, Guy BĂ©art, Anne Sylvestre, Serge Lama ou la dĂ©jĂ citĂ©e Monique Leyrac, qui fut une des plus belles interprètes de la chanson au QuĂ©bec. Un vĂ©ritable Ă©rudit a des gouts Ă©clectiques, mais aussi des gouts raisonnĂ©s. Le jeune Brassens n’était pas forcĂ©ment, on le devine, un Ă©lève assidu Ă Sète. Mais, comme bien des cancres, il aurait pu forcer l’admiration de ses maitres par le travail acharnĂ© qu’il menait hors des bancs de la classe. Il Ă©coutait passionnĂ©ment la radio et le phonographe. Il recopiait tout, mĂ©morisait tout, s’intĂ©ressait Ă toutes les chansons. Il avait dĂ©jĂ compris que cet art Ă©phĂ©mère et volatil dĂ©posait dans les cĹ“urs populaires de prĂ©cieuses pĂ©pites d’empathie. C’est vrai. La chanson dont je me fiche de trancher si c’est un art mineur ou majeur, mais dont je m’inquiète plutĂ´t de savoir si elle reste ce qu’elle doit ĂŞtre un art exigeant, variĂ©, surprenant et accessible, la chanson offre Ă tout le monde une multitude de miroirs, et je n’ai jamais vu ou vĂ©cu une situation humaine que ne pĂ»t accompagner une chanson. L’érudition du jeune Brassens portait aussi sur les chansons d’autrefois. Il en aimait les diffĂ©rents genres. Il les alimentera lui-mĂŞme, plus tard, dans son Ĺ“uvre, non sans veiller toujours ou presque Ă leur apporter un surcroit d’attention littĂ©raire. Ce double fait, un Brassens livresque et studieux, couplĂ© Ă professionnel d’un genre principalement oral la chanson », fut Ă l’origine de nombreux malentendus. Écouter Misogynie Ă part, ou MĂ©lanie, ou mĂŞme Le bulletin de santĂ© en oubliant que Georges Brassens aimait autant la chanson d’étudiants que la chanson de salle de garde, risque de faire tomber sur lui le reproche imbĂ©cile de ne pas aimer les femmes, d’être un macho, un pornocrate et je ne sais quelle autre sottise, alors qu’il se contentait de sacrifier librement et cum grano salis Ă un genre bien dĂ©fini de la chanson traditionnelle. Malheureusement, ces lĂ©gendes malpropres courent encore sur lui. De la mĂŞme façon, s’en prendre Ă Bonhomme, Ă Saturne ou Ă Dans l’eau de la claire fontaine pour dĂ©noncer un passĂ©iste, revient Ă oublier qu’il posait ces chansons dans un genre bien prĂ©cis, dont les racines moyenâgeuses, puis galantes pouvaient encore inspirer son savoir-faire et toucher, dans son public, une corde sensible intemporelle. Qui dit chanson, suppose musique. Le jeune Brassens est un fĂ©ru de jazz. Sur ce point, un diffĂ©rend l’opposa Ă sa famille, bien qu’il ne l’exprimât jamais avec aigreur. Mais voilĂ Elvira qui rĂŞvait que son fils devĂ®nt fonctionnaire interdit au jeune Georges tout accès Ă la musique. Pour elle, se faire musicien, c’était se faire mendiant. Ă€ la dĂ©charge de cette femme craintive, il faut noter que le cinĂ©ma muet avait dĂ©jĂ perdu presque toutes ses plumes quand Georges se mit Ă exprimer des besoins de solfège. Les anciens musiciens des salles obscures hantaient, dès lors, les pavĂ©s des villes en subsistant, plutĂ´t mal que bien, grâce Ă la gĂ©nĂ©rositĂ© des trottoirs. Brassens devint donc un mĂ©lomane jazzophile, Ă©rudit et analphabète, puis un autodidacte balbutiant, au clavier, dès qu’il dĂ©nichait n’importe oĂą un piano boiteux. Il finit, me dit-on, par inventer une techniÂque d’accompagnement Ă la guitare ; technique simple, performante, mais vĂ©ritablement personnelle. Pour exercer cette manière particulière de soutenir la mĂ©lodie de ses chansons, il posait le pied gauche sur une chaise, et allez donc, poum, poum et poum… Il faut noter que Georges Brassens travaillait beaucoup ses musiques, mais il n’y insistait pas en les chantant sur disque ou sur la scène. Pour lui, la musique Ă©tait principalement destinĂ©e Ă porter le texte [6], d’oĂą son refus des orchestrations, et ce fameux poum, poum, poum » qui bouchait les oreilles d’un grand nombre. Il suffit cependant d’essayer de chanter Brassens ou de l’écouter sĂ©rieusement ou de l’entendre par ses multiples interprètes d’hier et d’aujourd’hui, pour saisir qu’il Ă©tait un des plus audacieux compositeurs de la chanson française… et un des plus variĂ©s, aussi. Toujours est-il qu’on le sent presque prĂŞt Ă entamer, mĂŞme si cela ne lui plait qu’à demi, une carrière de chanteur en public. Presque… Presque, oui, car j’oublie Ă peu près l’essentiel. Tout ce qui a construit le jeune chanteur la famille, un certain gout pour la tradition, une faramineuse Ă©rudition dans le domaine de la musique de jazz et des chansons de variĂ©tĂ©, l’apprentissage obstinĂ© et solitaire de la musique… tout cela ne serait rien sans les deux grands piliers de la vie de Brassens la lecture et l’amitiĂ©. Brassens Ă©tait un lecteur insatiable. Depuis longtemps, j’écoute son Ĺ“uvre, je traque ses interviews, je me documente, j’apprends ses chansons. Quand je visionne les rares films oĂą on le voit chanter en public, je jubile, bien sĂ»r, de la qualitĂ© des Ĺ“uvres ; je me rĂ©jouis des connivences qu’il Ă©tait parvenu Ă Ă©tablir, Ă la longue, avec tous ces inconnus dont il Ă©tait aimĂ©. Je ris avec le parterre des trouvailles drolatiques de Brassens. Car la fraicheur de ses chansons est dĂ©cidĂ©ment inusable. Mais je souffre Ă©galement, mine de rien. Je souffre de le voir si gauche sur la scène, si gĂ©nial d’être gauche, si vrai dans sa gaucherie, mais, au total, si malheureux de s’exhiber. Pour Brassens, contrairement Ă bien d’autres chanteurs, la vraie vie n’est pas sur une scène. VoilĂ pourquoi, sans doute, on courait pour le voir et on courait d’autant plus que ses apparitions se rarĂ©fiaient avec le temps ce maitre de la chanson n’était pas vraiment un chanteur. Une sorte d’ami plutĂ´t qui, plus ou moins adroitement, vous conviait Ă partager le gout de la chose bien faite, bien tournĂ©e, bien Ă©crite. Un fervent qui vous faisait part de sa lecture du monde. On ne dira jamais assez les liens que tissent entre elles la lecture et l’amitiĂ©. Certes, je suis loin de prĂ©tendre que tous les amis de Georges Ă©taient des lettrĂ©s. Il fraternisait avec des Ă©crivains, bien sĂ»r, mais pas uniquement, grâce Ă Dieu. Son petit cercle comprenait quelques artistes cĂ©lèbres, des quidams parfaits, une photographe, un employĂ© de ministère, des ouvriers et mĂŞme deux prĂŞtres. C’est dire que les liens entre l’amitiĂ© et la littĂ©rature se construisent autrement, Ă un autre niveau. L’immense lecteur et relecteur qu’il Ă©tait savait que l’amitiĂ©, comme les livres, demande patience, fidĂ©litĂ©, assiduitĂ©. Mes livres sont mes amis », disent volontiers les grands lecteurs, oui, mais je pourrais aussi inverser la proposition mes amis sont comme des livres. Car mes livres autant que mes amis participent Ă mon dĂ©chiffrage, puis Ă ma relecture du monde. Georges Brassens aimait les poètes. Pas tous les poètes, hĂ©las. Il s’arrĂŞtait Ă Apollinaire et on lui doit aussi une brève prĂ©face Ă©logieuse, publiĂ©e Ă l’occasion d’une réédition d’Achille ChavĂ©e. Il frĂ©quentait l’œuvre d’Aragon, parce que cette poĂ©sie demeurait de facture classique. On ne lui connait pas d’engouement pour ses contemporains Ă l’exception de Paul Fort, et de l’obscur Antoine Pol [7]. Mais il savait par cĹ“ur des pans entiers de Villon, de Ronsard, de Corneille, de Racine, de La Fontaine, de Lamartine, de Victor Hugo, de Baudelaire, de Verlaine… Lorsque l’AcadĂ©mie française lui dĂ©cerna son Grand Prix de poĂ©sie en 1967, il se trouva au moins une voix pour s’insurger celle du Belge Alain Bosquet, poète lui-mĂŞme, romancier et non des moindres et critique littĂ©raire alors fort Ă©coutĂ© Ă Paris. J’admets, et je soutiens cet agacement, venant d’un homme qui, jusqu’à son dernier souffle, dĂ©fendit la poĂ©sie contemporaine. Bosquet publiait courageusement des anthologies vivantes. Il discernait, dans la poĂ©sie moderne, ce qui mĂ©ritait d’être lu, s’efforçait d’écarter les supercheries. Il traduisait les poètes opprimĂ©s sous les dictatures, dirigeait une collection de poĂ©sie chez Belfond. On Ă©tait Ă la grande Ă©poque de Follain, de FrĂ©naud, de Marcel Thiry. Philippe Jaccottet et Anne Perrier affermissaient leurs voix… En consacrant Brassens, les acadĂ©miciens consacraient les formes du passĂ©. Cela scandalisa Bosquet, lui qui dĂ©fendait l’exigence d’une poĂ©sie Ă l’écriture libre et inquiète, tout en refusant les productions illisibles, qui hĂ©las, commençaient Ă foisonner, elles aussi, dans le landerneau poĂ©tique. Quant Ă Brassens, lui-mĂŞme, il s’en foutait ». Et rendons-lui cette justice, qu’il sut toujours prĂ©server sa libertĂ© en restant Ă l’écart des polĂ©miques qu’il suscitait bien malgrĂ© lui, lui qui chantait, dans Les trompettes de la renommĂ©e, ce qui fut toujours son crĂ©do d’artiste Si le public en veut [8], je les sors daredare ; S’il n’en veut pas, je les remets dans ma guitare. p. 164 Et, mine de rien, ces deux jolis alexandrins, extraits d’une des quelques chansons humoristiques que Brassens consacra Ă sa propre rĂ©putation, laissent entendre qu’il composait et qu’il composerait toujours, quoi qu’il advienne, pour son propre plaisir d’abord, mais que c’était bien le public qui s’appropriait ses chansons. Georges Brassens, qui ne faisait rien pour plaire comme d’ailleurs rien non plus pour dĂ©plaire accueillait le succès avec une certaine indiffĂ©rence. Il savait aussi essuyer l’insulte sans broncher. MĂŞme couvert d’or, il vivait sobrement. Hormis sa guitare et l’amour qu’il avait Ă prononcer le français, il n’a jamais eu grand-chose Ă perdre. C’était bel et bien un homme libre. Mais il reste que l’épisode d’une controverse avortĂ©e avec Alain Bosquet met en lumière, comme nous le verrons, une des nombreuses ambigĂĽitĂ©s qui entourèrent, dès ses dĂ©buts, l’ours, le gorille, le fier-Ă -bras de Canetti, de Patachou et d’un petit quarteron de fidèles, qui crurent en lui, Ă l’aube des annĂ©es cinquante. Car personne, vraiment, n’avait prĂ©vu un succès si rapide. En le voyant peiner sur scène, Patachou dĂ©cide que son poulain a besoin de ce que nous appellerions aujourd’hui une formation ». Elle l’emmène en tournĂ©e en Belgique, non pour qu’il y chante, mais pour qu’il s’y frotte au monde du spectacle et pour qu’il dĂ©couvre tous les mĂ©tiers de la scène et surtout des coulisses. Je doute un peu, quant Ă moi, de l’efficacitĂ© d’un tel stage, mais Brassens en ramènera des amitiĂ©s solides avec des Bruxellois, et un gout dĂ©finitif pour… le tabac de la Semois ! Tout aussi pragmatique, quoique bien autrement avisĂ©, Jacques Canetti l’emmène enregistrer ses premiers septante-huit tours. En excellent homme d’affaires, il flaire le scandale. Les chansons de Brassens sont jugĂ©es pornographiques et sĂ©ditieuses. On les interdit sur les ondes nationales aux heures de grande Ă©coute. Tant mieux ! Les gens iront se coucher plus tard. Le gorille, puis HĂ©catombe feront un joli succès sous les manteaux, et cela se vendra comme des petits pains. L’anecdote donne Ă penser. Car Brassens, sans le savoir et sans le vouloir, bĂ©nĂ©ficie, dans ces annĂ©es-lĂ , d’un bouleversement mĂ©diatique d’importance. La radio, d’abord, s’était certes bien rĂ©pandue en Europe et aux États-Unis pendant les annĂ©es trente. Mais la guerre l’avait en quelque sorte anoblie. De l’Appel du 18 juin aux discours de Vichy, elle avait servi d’arme de guerre, et les messages codĂ©s pour les rĂ©seaux de la RĂ©sistance Ă©taient quelquefois suivis par ceux-lĂ mĂŞme qui n’y comprenaient rien, mais qui attendaient tout, de ces charabias Ă©coutĂ©s en cachette [9]. Elle Ă©tait prĂ©sente dans tous les foyers et, avant que la tĂ©lĂ©vision envahisse tout, on l’écoutait religieusement, parfois en famille, ce qui favorisa et dĂ©multiplia le dĂ©veloppement de l’art oral par excellence qu’est la chanson. Et les disques ? Les cires Ă©phĂ©mères et crachotantes s’apprĂŞtaient Ă cĂ©der le pas aux matières plastiques. BientĂ´t, les prix baisseraient, et on pourrait Ă©couter jusqu’à douze chansons sur les deux faces d’un seul trente-trois tours ! BientĂ´t, aussi, les radios se libèreraient [10]. Dès sa crĂ©ation, Europe 1 diffusa hardiment Georges Brassens Ă des heures de grande Ă©coute. Le succès, cette fois, dĂ©barquait en plein quai. Brassens n’était plus de contrebande et, on le rĂ©pĂ©tait partout c’était le poète de la chanson. J’ai toujours trouvĂ© très Ă©trange, cette Ă©lĂ©vation au rang de poète d’un homme qui refusa ce titre avec une obstination modeste [11], et plus Ă©trange encore que ce label fĂ»t dĂ©cernĂ© par les journaux, les radios et les tĂ©lĂ©visions qui, dans le mĂŞme temps, se mirent Ă bouder peu Ă peu la poĂ©sie, jusqu’à refuser d’en parler. Ă€ ceux qui prĂ©tendent que la lecture seule de Georges Brassens suffit Ă dĂ©montrer qu’il est poète, j’oppose le simple fait que l’exercice est impossible, puisque, tous, nous avons entendu le chanteur avant de le lire. Et je mets au dĂ©fi un amateur de poĂ©sie de trouver un intĂ©rĂŞt puissant dans sa maigre production strictement poĂ©tique. Ses romans sont pires encore, et il le savait bien. Ă€ l’instar de Jacques Brel, qui fit quasiment le mĂŞme parcours dans les mĂŞmes annĂ©es, Georges Brassens dut se dire un beau jour qu’il valait mieux faire un bon chansonnier qu’un mauvais Ă©crivain. Quelques tĂ©moignages confirment qu’il souffrit un peu de ce qu’il considĂ©rait comme un abaissement de ses ambitions. C’est le prix du gĂ©nie et de la libertĂ© les vrais crĂ©ateurs tâtonnent beaucoup, mais ils finissent toujours par trouver leur voie, quitte Ă dĂ©laisser une part de leurs rĂŞves. Qui reprocherait Ă Georges Brassens d’avoir fait le choix de la chanson, de s’y ĂŞtre tenu avec assiduitĂ© et application, d’y avoir mis de la poĂ©sie, de la sensibilitĂ©, de l’humour et d’être assurĂ©ment devenu une rĂ©fĂ©rence musicale, tout en donnant Ă penser Ă deux ou trois gĂ©nĂ©rations d’auditeurs ? MalgrĂ© lui, cependant car, en somme, seules ses chansons ne se faisaient pas malgrĂ© lui, cette rĂ©putation, Ă mes yeux largement usurpĂ©e, ou plus prĂ©cisĂ©ment dĂ©placĂ©e de poète contribua Ă son succès, et prĂ©cisĂ©ment Ă son succès mĂ©diatique. Car, nous venons de le voir, les mĂ©dias se feraient rapidement les fossoyeurs des poèmes. Pour ĂŞtre plus prĂ©cis et moins polĂ©mique, le tournant des annĂ©es cinquante voit prolifĂ©rer les stations de radios, puis s’installer, dans les mĂ©nages, un monstre sonore et visuel fascinant. Le livre perd son statut de rĂ©fĂ©rence unique et prĂ©fĂ©rĂ©e dans les domaines de l’apprentissage, de la culture et des loisirs. Dès lors, le tour très littĂ©raire et la tonalitĂ© ouvertement nostalgique des chansons de Brassens passent très bien sur les ondes. Ils passent pour donner, en quelque sorte, des lettres de noblesses Ă ces vecteurs culturels en pleine explosion. Ils passent aussi pour rassurer les gĂ©nĂ©rations qui, bientĂ´t, ne liront plus de poĂ©sie. Brassens s’assied dans leur salon. Ils l’ont, tout de mĂŞme, leur poète, et tant pis pour les livres de poèmes, qui exigent un effort d’une autre nature ! Certes, je le sais parfaitement et je l’espèrerais, mĂŞme, au fond Georges Brassens se ficherait bien de mes analyses. Ce qu’on disait de lui l’indiffĂ©rait Ă peu près totalement. Et je pense qu’il rirait de bon cĹ“ur, s’il savait qu’il a suscitĂ©, jusqu’en Russie, des fans club ! Que Dieu me frappe d’aphasie / D’influenza / Mais qu’il m’épargne cett’ folie / Tout mais pas ça [12], chanterais-je Ă mon tour. Devenir fan » de Brassens contredirait sa libertĂ©, et j’aurais mĂŞme, ça et lĂ , de petits reproches Ă lui faire. Pourquoi pas ? Sans la libertĂ© de blâmer… » Mais ce qui le toucherait, en revanche, c’est notre attachement Ă lui et Ă son Ĺ“uvre. Ce fidèle apprĂ©cierait notre fidĂ©litĂ©. Il serait ravi d’être encore Ă©coutĂ© par les hommes de sa gĂ©nĂ©ration il aurait, tout de mĂŞme, nonante ans en 2011 !, par leurs enfants et par les enfants de ceux-ci. Il Ă©couterait avec bienveillance et admiration les versions qu’ont donnĂ©es de ses chansons de jeunes rockeurs comme de vieux jazzmans. Et peut-ĂŞtre est-ce justement ce gout de l’attachement, cette fidĂ©litĂ© indomptable qui m’ont particulièrement Ă©mu chez lui. FidĂ©litĂ© aux personnes, fidĂ©litĂ© Ă la mĂ©moire de ses parents, aux amis, Ă un style de vie, Ă un art cultivĂ©, Ă©laborĂ© et labourĂ© patiemment ; fidĂ©litĂ© Ă son public [13]… FidĂ©litĂ© qui n’entrava jamais sa libertĂ©. FidĂ©litĂ© que j’aimerais examiner, pour conclure, sous l’angle oĂą elle s’éprouve le plus souvent fragile dans les remuements de l’amour. **** Contrairement Ă une rĂ©putation dont il s’amusa lui-mĂŞme et qui fit de lui un pornographe voir p. 113, Georges Brassens a composĂ© de vraies, de belles et d’émouvantes chansons d’amour. Des Amoureux des bancs publics, p. 61, enregistrĂ©e en 1953 Ă Clairette et la fourmi p. 317, retrouvĂ©e dans ses papiers et enregistrĂ©e une première fois par Jean Bertola en 1982, son Ĺ“uvre parcourt de nombreux Ă©tats amoureux l’enthousiasme J’ai rendez-vous avec vous, p. 65, la nostalgie Jeanne Martin, p. 360, L’orage, p. 128, la durĂ©e Saturne, p. 178, PĂ©nĂ©lope, p. 132, La marche nuptiale, p. 108, mais aussi l’adultère souvent traitĂ© avec humour Le cocu p. 118, La traitresse p. 145 ou Ă€ l’ombre des maris, p. 254. Divers comportements de la prostitution La fille Ă cent sous, p. 155, La complainte des filles de joie, p. 153, Ă l’inconstance Le mouton de Panurge, p. 186 sont examinĂ©s avec bienveillance. Et, si l’on trouve une seule chanson vraiment amère et presque mĂ©chante, concernant le dĂ©pit amoureux Sale petit bonhomme, p. 240, les chansons d’amour Ă©blouies continuent de nous Ă©mouvoir Dans l’eau de la claire fontaine, p. 147, Il suffit de passer le pont, p. 57, La chasse aux papillons, p. 48, Je me suis fait tout petit, p. 88. De surcroit, Brassens, le libertaire, ne manque pas de voir dans l’amour une force subversive Les sabots d’HĂ©lène, p. 71, BĂ©cassine, p. 233 [14]. Il saute Ă©videmment aux yeux aux oreilles, plutĂ´t, que Georges ne s’est pas privĂ©, en outre, d’irriguer la tradition des corps de gardes et des cercles d’étudiants. Mais il ne l’a pas fait sans conscience Si Brassens affectionne le juron, la langue verte et parfois crue […], Ă©crivait dĂ©jĂ très finement Walter Hilgers en 1967 [15], ce n’est jamais pour parler de lui, mais souvent pour dissimuler, par pudeur, une sensibilitĂ© et une tendresse surtout Ă l’égard des humbles […]. » On pourrait dĂ©velopper longuement ce sens de l’hyperbole pudique chez Georges Brassens ; ce gout prononcĂ© qu’il avait pour le second degrĂ© — tout le contraire de la vulgaritĂ©, puisque les vilains mots » de ses chansons, soit fusent comme autant de traits d’esprit, soit, plus subtilement encore, avouent, dans leur rondeur dĂ©sarmante, l’indicible finesse de sa sensibilitĂ©. Du Gorille p. 35 Ă l’hilarante Nymphomane p. 315, le mot cru et la situation outrancière alimentent la verve, l’humour et le sens de l’hyperbole de notre parolier. Y voir de la grossièretĂ© ou de la misogynie, serait, je le rĂ©pète, faire fi du gout qu’avait Brassens d’inscrire ses chansons dans des traditions bien Ă©tablies du genre. Mais c’est, plus encore, s’aveugler ou s’assourdir sur le fil rouge qui tisse un lien subtil et rarement soulignĂ© dans toutes ces figures de l’érotisme chez Georges Brassens celui de la fragilitĂ© et de la vulnĂ©rabilitĂ© du dĂ©sir, et du dĂ©sir masculin, en particulier. Brassens n’est pas le seul chanteur de sa gĂ©nĂ©ration a avoir couplĂ© le dĂ©sir sexuel et la pratique de la religion [16]. La religieuse p. 231, par exemple, ce beau texte qui fit scandale en 1969, ne raconte rien d’autres que les tourments et les fantasmes de jeunes ados dans une Ă©glise. Ces paroles, qui ne craignent pas d’appeler un chat un chat, furent Ă©crites en un temps oĂą les filles et les garçons issus de milieux catholiques ne se rencontraient finalement qu’à l’occasion des offices religieux. La chanson Le fantĂ´me p. 213, mĂ©lange avec humour le rĂŞve Ă©rotique d’un jeune homme et une promesse bien moins affriolante. Dans son rĂŞve, donc, le narrateur, dont on ne peut encore deviner l’âge, rencontre un fantĂ´me du beau sexe, qu’il convainc sans trop de mal Ă se laisser sĂ©duire, mais… Au p’tit jour on m’a rĂ©veillĂ©, On secouait mon oreiller Avec un’ fougu’ plein’ de promesses. Mais, foin des dĂ©lic’s de Capoue ! C’était mon père criant Debout ! Vains dieux, tu vas manquer la messe ! » Pour l’éteindre ou pour l’exacerber, l’église hante quelquefois le dĂ©sir, chez Brassens, comme encore dans Je suis un voyou p. 75, oĂą le narrateur-parolier dĂ©tourne une jolie petite Margot des rites du catholicisme La mignonne allait aux vĂŞpres Se mettre Ă genoux. Alors j’ai mordu ses lèvres Pour savoir leur gout… Sur son impuissance Ă croire, le chanteur s’expliqua joliment dans une pièce assez cĂ©lèbre de son rĂ©pertoire Le mĂ©crĂ©ant p. 139. On ferait Ă tort de cette chanson, d’ailleurs pĂ©trie d’humour, une protestation laĂŻque. Mais que dirait-on, alors, d’un dĂ©sir autrement plus rĂ©pandu que le dĂ©sir de croire, dans le monde de Georges Brassens — un dĂ©sir que son Ĺ“uvre nous rĂ©vèle parfois mitoyen des pratiques religieuses le simple et fort dĂ©sir d’aimer la femme ? La première chose qui frappe, mĂŞme quand Brassens y va fort dans la cruditĂ© de ton et de langage, c’est qu’il ne domine pas son sujet ! Son Ĺ“uvre est pleine d’histoires plus ou moins tristes, oĂą jamais le chanteur ne se donne le beau rĂ´le. Le cocu p. 118 ? C’est lui, ou alors, il s’aliène aux maris de ses maitresses Ă€ l’ombre des maris, p. 254. Le vaincu ? C’est lui encore, quand la belle » de ses chansons part au loin, il ne sait trop oĂą mais il sait toujours, hĂ©las, avec qui L’orage, p. 128, Je suis un voyou, p. 75, Comme une fleur, p. 126, Jeanne Martin, p. 360 ; le voilĂ , toujours sans gloire, quand il sent sa virilitĂ© menacĂ©e L’andropause, p. 322 et dĂ©confit quand telle mĂ©gère l’agace ou l’épuise Misogynie Ă part, p. 238, La nymphomane, p. 315, Si seulement elle Ă©tait jolie, p. 339… Alors, plutĂ´t que de tourner son dĂ©pit en ressentiment ou en amertume, Georges Brassens se moque gentiment de lui-mĂŞme, en souhaitant bonne chance aux autres Quand vous irez au bois conter fleurette, Jeunes galants, le ciel soit avec vous. Je n’eus pas cette chance et le regrette. Il est des jours oĂą Cupidon s’en fout. [17] Cette gĂ©nĂ©rositĂ© habite, Ă de très rares exceptions près, l’œuvre entière du chanteur. Elle force l’écoute, parce que, par sa nature mĂŞme, la gĂ©nĂ©rositĂ© fait de la place. Trente ans après sa mort, Brassens continue de nous tendre ses chansons Installez-vous », semble-t-il dire Ă un public qui ne cesse de se rajeunir et dont la ferveur ne faiblit pas. Complètement Ă l’opposĂ© de l’image brutale que ses premiers commentateurs voulurent donner de lui, Georges Brassens est un homme pour qui la virilitĂ© ne se construit pas sur le mythe de la puissance et de la domination. Au contraire, il s’agit plutĂ´t de reconnaitre la fragilitĂ© comme le lieu mĂŞme oĂą s’exprime son identitĂ© masculine. Mais cette fragilitĂ© ne s’étale pas avec complaisance. Il faut Ă©couter des chansons finement ciselĂ©es pour s’apercevoir que, loin de pousser l’artiste Ă l’apitoiement, elle le conduit, au contraire, vers une sorte de compassion discrète, d’oĂą peut jaillir la joie de ne rien dominer. On dirait que sa fraicheur demeure neuve, comme demeurent jeunes et cuisants ses premières fĂŞtes et ses premiers chagrins amoureux. On dirait et il le dirait bien lui-mĂŞme, que les mots manquent Ă l’amour, parce que l’amour est un mystère qui, dans le bonheur ou le malheur, dĂ©borde du langage. C’est ce qu’exprime celle de ses chansons dont je ferais bien un emblème de l’œuvre entière et c’est, en effet, le destin que lui imposerait son titre Le blason p. 242. Le blason a connu deux versions au moins. Nous pouvons entendre la première dans le DVD du rĂ©cital donnĂ© par Brassens et Pierre Nicolas [18] Ă Bobino en 1969. Le texte n’y est pas encore dĂ©finitif, et la musique composĂ©e par Brassens Ă©tonne par sa lĂ©gèretĂ©. Elle range la chanson au nombre de ses Ĺ“uvres comiques, et le public rĂ©agit peu. Trois ans plus tard, la musique a changĂ© ; elle est devenue plus grave, et l’humour, dès lors, remplace la gouaille assez dĂ©placĂ©e de la première version. Le texte est fixĂ©, le grand chef-d’œuvre est enfin enregistrĂ© chez Philips [19] Ayant avecques lui toujours fait bon mĂ©nage, J’eusse aimĂ© cĂ©lĂ©brer, sans ĂŞtre inconvenant, Tendre corps fĂ©minin, ton plus bel apanage, Que tous ceux qui l’ont vu disent hallucinant Je ne puis, hĂ©las, citer la chanson en entier. Elle tourne autour d’un petit mot fameux, de trois lettres pas plus, familier, coutumier, dont Brassens usait et abusait dans la vie et dans les chansons, mais qu’il s’abstient de prononcer ici, parce qu’il dĂ©signe, indignement, la fleur la plus douce / Et la plus Ă©rotique et la plus enivrante du corps de la femme. L’absence de ce mot dans les paroles du Blason permet au chanteur de dĂ©cocher de jolis traits d’esprit Honte Ă celui-lĂ qui, par dĂ©pit, par gageĂĽre, Dota du mĂŞme terme, en son fiel venimeux, Ce grand ami de l’homme et la cinglante injure ; Celui-lĂ , c’est probable, en Ă©tait un fameux. Mais, au-delĂ de l’humour qui, comme toujours, rĂ©tablit la pudeur, l’espĂ©rance et la fraternitĂ© avec le public, cette chanson espère aussi que l’objet du dĂ©sir trouve un jour, par la grâce d’un poète inspirĂ©, un joli nom chrĂ©tien. Un joli nom chrĂ©tien pour dĂ©signer cela ? Brassens n’y va-t-il pas un peu fort ? Sans doute s’en prend-il, avec son ironie coutumière, aux pudibonderies du catholicisme de son temps. Oui, mais, au-delĂ du trait, peut-ĂŞtre cherche-t-il aussi Ă dire qu’on vit rarement Ă la hauteur de son dĂ©sir. Fernande p. 261 et le Bon Dieu finalement assez prĂ©sent dans ses chansons en savent quelque chose le dĂ©sir, hein papa, ça n’ se commande pas.
AccueilCultureMusique En partenariat avec Qobuz, plateforme musicale haute qualité Publié le 29/10/2016 à 0800 Georges Brassens continue d'inspirer les jeunes Génération. Pour le meilleur... et pour le pire. Rue des Archives/©Rue des Archives/AGIP VIDÉOS - Le 29 octobre 1981, il y a 35 ans, le bon maître» a cassé sa pipe. Souvent copié, parfois plagié, mais inimitable devant l'éternité... JoeyStarr, Sanseverino, Christophe Maé ont sans doute voulu lui rendre hommage en le reprenant. Hélas, ils font sonner de bien tristes trompettes de la renommée. Mergitur non fluctuat Sombre mais ne flotte pas... Les nouveaux copains posthumes de Georges Brassens lui rendent parfois hommage d'une drôle de façon. Plagiat à peine dissimulé, pâle imitation, infidèle réorchestration, jeu de scène outrée, ses successeurs autoproclamés ne craignent jamais de trahir l'œuvre du poète sétois qui s'est éteint dans sa soixantième année, il y a 35 reprise est à la chanson ce que le remake est, surtout en ce moment, au cinéma, une mauvaise idée. L'Oscar de la mauvaise réputation - pardon de la mauvaise adaptation - revient au rappeur-acteur JoeyStarr. Sans demander l'autorisation aux héritiers de Brassens, Didier Morville a voulu se rendre poétiquement incorrect en métamorphosant le puissant Gorille du bon maître» en un Jaguarr plus porté sur le viol que sur la bien pitoyable Gare au Jaguarr pour JoeyStarr qui trahit les paroles de Brassens en feulant Le jaguarr bondit hors de sa cage, quoi! Et dit aujourd'hui je vais me les faire, quoi!». Quoi», pronom qui lui sert à enjoliver quelques riches n'ont pas le culot sinon l'inconsciencve de l'ex-leader de NTM, qui l'âge aidant, est malgré tout devenu beaucoup plus politiquement correct. Les réinterprétations de Brassens par Sanseverino, les Wriggles, les Ogres de Barback ont elles un point commun leur conclure en riant, on ne peut passer à côté de ce dossier. L'énorme ratage de Christophe Maé qui a dû se faire tout petit après son adaptation sur le plateau de Patrick Sébastien de... Je me suis fait tout petit.● JoeyStarr - Gare au Jaguarr 2006, détournement non autorisé du Gorille de Georges Brassens● Christophe Maé, reprise de Je me suis fait tout petit de Georges Brassens 2008● Les Wriggles, reprise de La mauvaise réputation de Georges Brassens 2009● Les Ogres de Barback, reprise de Je m'suis fait tout petit de Georges Brassens 2009● Sanseverino, reprise de la Supplique pour être enterré sur la plage de Sète de Georges Brassens 2014
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